jeudi 27 septembre 2007
dimanche 23 septembre 2007
samedi 22 septembre 2007
vendredi 21 septembre 2007
9e Biennale de Lyon 2007 bis
L’HISTOIRE D’UNE DÉCENNIE QUI N’EST PAS ENCORE NOMMÉE
Stéphanie Moisdon et Hans-Ulrich Obrist
Notes extraites d’une conversation ininterrompue
entre Stéphanie Moisdon et Hans-Ulrich Obrist
00s
La prochaine Biennale de Lyon ouvrira le 17 septembre 2007. Elle s’inscrit dans la continuité d’une recherche qui, depuis plus de dix ans, consiste à cerner les questions essentielles en prise avec la création la plus actuelle. Le projet de cette édition est celui d’un livre d’histoire écrit à plusieurs. L’histoire d’une décennie qui n’est pas encore nommée.
LA BIENNALE
L’époque n’est plus aux mouvements, aux regroupements idéologiques, nationaux, stylistiques ou générationnels, qui ont structuré les décennies précédentes. La profusion des propositions artistiques, leur extraordinaire hétérogénéité en termes de styles, de medium, d’ambition; la coexistence sur une même scène d’artistes d’origines et de langages très divers, contribuent à complexifier l’appréhension du champ artistique.
Parallèlement, la réalité des biennales n’a cessé de s’amplifier et de se déplacer, produisant un véritable débat quant aux formats, procédures, implications locales et internationales, débat qui s’accompagne d’effets de dislocation du réel et de sa représentation, qui imposent de repenser notre rapport aux formes de l’art, de l’exposition, d’expérimenter d’autres méthodes, de produire de nouvelles alliances.
LE JEU
Comment écrire l’histoire de ce temps, du zéro et l’infini, se réinventer une manière de dire, de créer, de s’exposer, et penser l’espace non linéaire d’émergence de l’art? La méthode de cette biennale se fonde sur la structure d’un grand jeu, avec des règles de sélection et de distribution des rôles. Le jeu est irrémédiable, il ne se joue qu’une fois. Il prend la forme d’une enquête, dans laquelle interviennent 60 joueurs: des curators venus du monde entier, qui participent, depuis leur propre expérience, à produire la matière vivante d’une archéologie du présent.
LA RÈGLE
Deux cercles de jeu se distinguent. Le premier rassemble une communauté de critiques et commissaires à qui une seule question a été posée “Quel est l’artiste ou l’oeuvre qui occupe selon vous une place essentielle dans cette décennie?”. Cette seule question a valeur de règle. Le second cercle concerne un groupe d’artistes à qui a été confié la réalisation d’une séquence entière, séquence qui définit, selon des méthodes propres à chacun, la décennie. Le montage de ces différentes séquences produit une vision parallèle à celle des différents chapitres du livre d’histoire.
LE CHOIX
La structure de ce projet ne consiste pas à déléguer un choix mais permet de déplacer les critères d’apparition, de signature, de collaboration et de hiérarchie des savoirs, de reconsidérer la notion de liste, devenue l’un des ressorts du rapport à l’art dans la mécanique des biennales, et qui correspond aussi à cette passion universelle du penser/classer. L’addition de toutes ces propositions, divergentes ou coïncidentes, dessine progressivement un paysage unique, le portrait d’un présent immédiat et de ses passagers.
LE COLLECTIF
La structure du jeu est autant un espace réflexif sur l’évolution de la notion de collectif au tournant de ce nouveau siècle qu’une manière de produire des embranchements, une prolifération d’histoires potentielles. Chaque partie de l’exposition garde la trace de l’arbitraire de la règle initiale. L’exposition, ainsi dégagée des procédures de thématisation, des conventions habituelles de distribution des rôles et des territoires, est l’image événementielle de toutes ces combinaisons, choix, contraintes, hasards, nécessités qui intègrent le programme de l’époque, de ses passions durables ou éphémères.
Il ne s’agit pas non plus de créer un autre baromètre de la notoriété, encore moins d’établir un classement indexé sur la valeur esthétique, économique ou symbolique des oeuvres. La formulation de la question (et du terme “essentiel”) vise ainsi à embrasser les deux axes qui déterminent le jugement des joueurs, qui réfléchit à la fois l’objectivité historique et la subjectivité de chacun.
L’INTRIGUE
“Fabriquer de l’histoire est l’équivalent athée d’une prière.” déclare l’historien Paul Veyne, qui ne conçoit pas l’écriture de l’histoire comme un exercice scientifique mais comme un modèle de satellisation et d’explosion du savoir, comme une construction d’intrigues, une méthode d’investigation à partir de traces, faits, indices, hasards, anecdotes. Cette approche méthodique agit pour nous ici comme une feuille de route. Ainsi, les différentes propositions des joueurs forment autant d’intrigues, de directions et de péripéties insoupçonnées. La multiplication d’histoires et de personnages produit alors une temporalité éclatée, des interruptions où le hasard vient sans cesse modifier le destin et la physionomie de l’exposition, devenue une vaste machination, l’espace d’une conversation secrète. Il ne s’agit pas pour autant ici du hasard du coup de dés ou de celui “psychologique” cultivé par les surréalistes mais de celui généré par un système, lorsque ce système enregistre et prend la relève de l’intention des auteurs. Car dans le roman historique de l’art d’aujourd’hui, la question de l’auteur ne cesse de se reposer, incluant d’autres modalités de représentation, de distribution des subjectivités.
L’ARCHIPEL
Pour Edouard Glissant, les biennales se rapprochent davantage de la forme de continents (masses solides et imposantes), à l’opposé du modèle de l’archipel (accueil, partage et échange). Selon lui, “L’idée ou le concept d’une temporalité non linéaire implique la coexistence de plusieurs zones temporelles, ce qui permet aussi une grande variété de contacts de ces zones”. La biennale, vue comme une zone de contacts réciproques, peut osciller entre le musée et la ville, la ville, sa périphérie et le monde. Elle se développe comme un champ d’énergies dynamiques qui rayonnent à 8 travers toute la ville et au-delà, incluant différents partenariats institutionnels à l’échelle locale, nationale et internationale (la Demeure du Chaos, la Fondation Bullukian, l’Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne, le Magasin à Grenoble, les Biennales d’Athènes et d’Istanbul…), jusqu’aux territoires d’une communauté Everyware (Wikipedia). Ces collaborations donnent lieu à la production d’événements autogérés, d’expositions annexes, d’extensions insoupçonnées, l’occasion aussi de multiplier les centres, sachant que la quête d’un centre absolu, qui a parcouru et dominé une grande part du XXème siècle, a finalement ouvert sur une polyphonie de centres au XXIème siècle, phénomène qui n’est pas étranger à l’émergence et la puissance des biennales dans le monde. Edouard Glissant rappelle qu’aux forces homogénéisantes de la globalisation a répondu la multiplication des biennales dans les 90s, à une homogénéisation qui a mené à la disparition de la différence. Dans ces biennales, les curators, malgré leur ambition de renouveler le système n’ont souvent fait que reproduire des schémas périmés de visibilité, de représentations géopolitiques, dans un jeu d’équilibre qui conforte les fondements du marché global.
LE DISPOSITIF
Ce projet est un dispositif, défini comme tel par Giorgio Agamben: “Le dispositif est un réseau d’éléments hétérogènes qui inclut virtuellement chaque chose, qu’elle soit discursive ou non : discours, institutions, édifices, propositions esthétiques, philosophiques. Un dispositif a toujours une fonction stratégique concrète et s’inscrit toujours dans une relation entre le pouvoir et le savoir”. Dans ces dispositifs, où se jouent désormais nos existences, la question devient alors: quelles stratégies devons-nous adopter dans le corps-à-corps quotidien qui nous lient à eux? A l’heure où il s’agit clairement pour tous de retrouver les possibilités d’un usage, l’organe pratique du jeu, celui des enfants, ce jeu sans fins par lequel la fonction de tout objet peut être réinventée, devient l’instrument de nouvelles manières de faire. L’espace du jeu (et de l’exposition) est celui de la multiplication des histoires, des emplois, où la règle mène inévitablement les participants à faire des choix. Le jeu n’est jamais gratuit, il est ce qui rend disponible ce qui auparavant n’était qu’accessible. Il rend disponible au joueur comme au spectateur l’usage des règles du jeu, les pratiques d’invention d’une mythologie du présent. “Il faut arracher à chaque fois aux dispositifs la possibilité d’usage qu’ils ont capturée. La profanation de l’improfanable est la tâche politique de la génération qui vient.” (Agamben)
STÉPHANIE MOISDON
Née en 1967, vit et travaille à Paris
Après des études de sémiologie et de recherches cinématographiques, Stéphanie Moisdon débute au Centre Pompidou en 1990 avant de créer avec Nicolas Trembley en 1994 le BDV (Bureau des Vidéos), agence de production, d’édition et de diffusion de vidéos d’artistes. Stéphanie Moisdon a acquis une solide réputation de critique d’art et de commissaire indépendant avec des expositions plébiscitées par la critique telles que “Présumés Innocents” au CAPC-Bordeaux (2000), Manifesta 4 à Francfort (2002), “Genesis Sculpture” à Reims (2004) ou “L’Ecole de Stéphanie” pour “La Force de l’Art” à Paris (2006).
Elle est également professeur à l’Ecole cantonale d’art de Lausanne et Art Editor de Self Service Magazine. Elle produit depuis 2005 avec Eric Troncy le magazine Frog, écrit régulièrement pour Purple ou Beaux Arts Magazine et a publié plusieurs monographies d’artistes dont celle de Dominique Gonzales-Foerster en 2002. Un recueil de ses textes devrait prochainement être publié aux Presses du Réel.
HANS ULRICH OBRIST
Né en 1968, vit et travaille à Londres
Hans Ulrich Obrist fonde en 1993 le Musée Robert Walser et dirige le programme “Migrateur” au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris où il est commissaire pour l’art contemporain jusqu’en 2005. Il est aujourd’hui co-directeur des expositions et programmes et directeur des projets internationaux de la Serpentine Gallery à Londres. Depuis 1991, il a organisé ou co-organisé de nombreuses expositions parmi lesquelles “Do it” (plus de 30 versions depuis 1994), “Cities on the Move” (avec Hou Hanru, 1997), la 1ère Biennale de Berlin (1998), “Mutations” (Bordeaux, 2000), “Utopia Station” à l’occasion de la 50e Biennale de Venise. Il est également commissaire de la Biennale de Dakar en 2004 et de nombreuses expositions monographiques consacrées entre autres à Olafur Eliasson, Philippe Parreno, Jonas Mekas, Pierre Huyghe, Anri Sala ou Doug Aitken. Depuis son arrivée à Londres, il a co-organisé plusieurs expositions, dont “Uncertain States of America” (Serpentine Gallery, 2006) et “China Power Station Part I” (Battersea Power Station, 2006). Parallèlement à ses activités de commissaire, il publie les écrits de Gerhard Richter, Louise Bourgeois, Gilbert & George et est l’éditeur d’une série de livres d’artistes dont John Baldessari, Mattew Barney, Christian Boltanski ou Douglas Gordon… Une première sélection de ses interviews est publiée en 2003 dans “Hans Ulrich Obrist Interview” (Ed. Charta, 2003). En 2006 sort “...dontstopdontstopdontstopdontstop”, recueil de ses textes écrits entre 1990 et 2006.
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Stéphanie Moisdon et Hans-Ulrich Obrist
Notes extraites d’une conversation ininterrompue
entre Stéphanie Moisdon et Hans-Ulrich Obrist
00s
La prochaine Biennale de Lyon ouvrira le 17 septembre 2007. Elle s’inscrit dans la continuité d’une recherche qui, depuis plus de dix ans, consiste à cerner les questions essentielles en prise avec la création la plus actuelle. Le projet de cette édition est celui d’un livre d’histoire écrit à plusieurs. L’histoire d’une décennie qui n’est pas encore nommée.
LA BIENNALE
L’époque n’est plus aux mouvements, aux regroupements idéologiques, nationaux, stylistiques ou générationnels, qui ont structuré les décennies précédentes. La profusion des propositions artistiques, leur extraordinaire hétérogénéité en termes de styles, de medium, d’ambition; la coexistence sur une même scène d’artistes d’origines et de langages très divers, contribuent à complexifier l’appréhension du champ artistique.
Parallèlement, la réalité des biennales n’a cessé de s’amplifier et de se déplacer, produisant un véritable débat quant aux formats, procédures, implications locales et internationales, débat qui s’accompagne d’effets de dislocation du réel et de sa représentation, qui imposent de repenser notre rapport aux formes de l’art, de l’exposition, d’expérimenter d’autres méthodes, de produire de nouvelles alliances.
LE JEU
Comment écrire l’histoire de ce temps, du zéro et l’infini, se réinventer une manière de dire, de créer, de s’exposer, et penser l’espace non linéaire d’émergence de l’art? La méthode de cette biennale se fonde sur la structure d’un grand jeu, avec des règles de sélection et de distribution des rôles. Le jeu est irrémédiable, il ne se joue qu’une fois. Il prend la forme d’une enquête, dans laquelle interviennent 60 joueurs: des curators venus du monde entier, qui participent, depuis leur propre expérience, à produire la matière vivante d’une archéologie du présent.
LA RÈGLE
Deux cercles de jeu se distinguent. Le premier rassemble une communauté de critiques et commissaires à qui une seule question a été posée “Quel est l’artiste ou l’oeuvre qui occupe selon vous une place essentielle dans cette décennie?”. Cette seule question a valeur de règle. Le second cercle concerne un groupe d’artistes à qui a été confié la réalisation d’une séquence entière, séquence qui définit, selon des méthodes propres à chacun, la décennie. Le montage de ces différentes séquences produit une vision parallèle à celle des différents chapitres du livre d’histoire.
LE CHOIX
La structure de ce projet ne consiste pas à déléguer un choix mais permet de déplacer les critères d’apparition, de signature, de collaboration et de hiérarchie des savoirs, de reconsidérer la notion de liste, devenue l’un des ressorts du rapport à l’art dans la mécanique des biennales, et qui correspond aussi à cette passion universelle du penser/classer. L’addition de toutes ces propositions, divergentes ou coïncidentes, dessine progressivement un paysage unique, le portrait d’un présent immédiat et de ses passagers.
LE COLLECTIF
La structure du jeu est autant un espace réflexif sur l’évolution de la notion de collectif au tournant de ce nouveau siècle qu’une manière de produire des embranchements, une prolifération d’histoires potentielles. Chaque partie de l’exposition garde la trace de l’arbitraire de la règle initiale. L’exposition, ainsi dégagée des procédures de thématisation, des conventions habituelles de distribution des rôles et des territoires, est l’image événementielle de toutes ces combinaisons, choix, contraintes, hasards, nécessités qui intègrent le programme de l’époque, de ses passions durables ou éphémères.
Il ne s’agit pas non plus de créer un autre baromètre de la notoriété, encore moins d’établir un classement indexé sur la valeur esthétique, économique ou symbolique des oeuvres. La formulation de la question (et du terme “essentiel”) vise ainsi à embrasser les deux axes qui déterminent le jugement des joueurs, qui réfléchit à la fois l’objectivité historique et la subjectivité de chacun.
L’INTRIGUE
“Fabriquer de l’histoire est l’équivalent athée d’une prière.” déclare l’historien Paul Veyne, qui ne conçoit pas l’écriture de l’histoire comme un exercice scientifique mais comme un modèle de satellisation et d’explosion du savoir, comme une construction d’intrigues, une méthode d’investigation à partir de traces, faits, indices, hasards, anecdotes. Cette approche méthodique agit pour nous ici comme une feuille de route. Ainsi, les différentes propositions des joueurs forment autant d’intrigues, de directions et de péripéties insoupçonnées. La multiplication d’histoires et de personnages produit alors une temporalité éclatée, des interruptions où le hasard vient sans cesse modifier le destin et la physionomie de l’exposition, devenue une vaste machination, l’espace d’une conversation secrète. Il ne s’agit pas pour autant ici du hasard du coup de dés ou de celui “psychologique” cultivé par les surréalistes mais de celui généré par un système, lorsque ce système enregistre et prend la relève de l’intention des auteurs. Car dans le roman historique de l’art d’aujourd’hui, la question de l’auteur ne cesse de se reposer, incluant d’autres modalités de représentation, de distribution des subjectivités.
L’ARCHIPEL
Pour Edouard Glissant, les biennales se rapprochent davantage de la forme de continents (masses solides et imposantes), à l’opposé du modèle de l’archipel (accueil, partage et échange). Selon lui, “L’idée ou le concept d’une temporalité non linéaire implique la coexistence de plusieurs zones temporelles, ce qui permet aussi une grande variété de contacts de ces zones”. La biennale, vue comme une zone de contacts réciproques, peut osciller entre le musée et la ville, la ville, sa périphérie et le monde. Elle se développe comme un champ d’énergies dynamiques qui rayonnent à 8 travers toute la ville et au-delà, incluant différents partenariats institutionnels à l’échelle locale, nationale et internationale (la Demeure du Chaos, la Fondation Bullukian, l’Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne, le Magasin à Grenoble, les Biennales d’Athènes et d’Istanbul…), jusqu’aux territoires d’une communauté Everyware (Wikipedia). Ces collaborations donnent lieu à la production d’événements autogérés, d’expositions annexes, d’extensions insoupçonnées, l’occasion aussi de multiplier les centres, sachant que la quête d’un centre absolu, qui a parcouru et dominé une grande part du XXème siècle, a finalement ouvert sur une polyphonie de centres au XXIème siècle, phénomène qui n’est pas étranger à l’émergence et la puissance des biennales dans le monde. Edouard Glissant rappelle qu’aux forces homogénéisantes de la globalisation a répondu la multiplication des biennales dans les 90s, à une homogénéisation qui a mené à la disparition de la différence. Dans ces biennales, les curators, malgré leur ambition de renouveler le système n’ont souvent fait que reproduire des schémas périmés de visibilité, de représentations géopolitiques, dans un jeu d’équilibre qui conforte les fondements du marché global.
LE DISPOSITIF
Ce projet est un dispositif, défini comme tel par Giorgio Agamben: “Le dispositif est un réseau d’éléments hétérogènes qui inclut virtuellement chaque chose, qu’elle soit discursive ou non : discours, institutions, édifices, propositions esthétiques, philosophiques. Un dispositif a toujours une fonction stratégique concrète et s’inscrit toujours dans une relation entre le pouvoir et le savoir”. Dans ces dispositifs, où se jouent désormais nos existences, la question devient alors: quelles stratégies devons-nous adopter dans le corps-à-corps quotidien qui nous lient à eux? A l’heure où il s’agit clairement pour tous de retrouver les possibilités d’un usage, l’organe pratique du jeu, celui des enfants, ce jeu sans fins par lequel la fonction de tout objet peut être réinventée, devient l’instrument de nouvelles manières de faire. L’espace du jeu (et de l’exposition) est celui de la multiplication des histoires, des emplois, où la règle mène inévitablement les participants à faire des choix. Le jeu n’est jamais gratuit, il est ce qui rend disponible ce qui auparavant n’était qu’accessible. Il rend disponible au joueur comme au spectateur l’usage des règles du jeu, les pratiques d’invention d’une mythologie du présent. “Il faut arracher à chaque fois aux dispositifs la possibilité d’usage qu’ils ont capturée. La profanation de l’improfanable est la tâche politique de la génération qui vient.” (Agamben)
STÉPHANIE MOISDON
Née en 1967, vit et travaille à Paris
Après des études de sémiologie et de recherches cinématographiques, Stéphanie Moisdon débute au Centre Pompidou en 1990 avant de créer avec Nicolas Trembley en 1994 le BDV (Bureau des Vidéos), agence de production, d’édition et de diffusion de vidéos d’artistes. Stéphanie Moisdon a acquis une solide réputation de critique d’art et de commissaire indépendant avec des expositions plébiscitées par la critique telles que “Présumés Innocents” au CAPC-Bordeaux (2000), Manifesta 4 à Francfort (2002), “Genesis Sculpture” à Reims (2004) ou “L’Ecole de Stéphanie” pour “La Force de l’Art” à Paris (2006).
Elle est également professeur à l’Ecole cantonale d’art de Lausanne et Art Editor de Self Service Magazine. Elle produit depuis 2005 avec Eric Troncy le magazine Frog, écrit régulièrement pour Purple ou Beaux Arts Magazine et a publié plusieurs monographies d’artistes dont celle de Dominique Gonzales-Foerster en 2002. Un recueil de ses textes devrait prochainement être publié aux Presses du Réel.
HANS ULRICH OBRIST
Né en 1968, vit et travaille à Londres
Hans Ulrich Obrist fonde en 1993 le Musée Robert Walser et dirige le programme “Migrateur” au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris où il est commissaire pour l’art contemporain jusqu’en 2005. Il est aujourd’hui co-directeur des expositions et programmes et directeur des projets internationaux de la Serpentine Gallery à Londres. Depuis 1991, il a organisé ou co-organisé de nombreuses expositions parmi lesquelles “Do it” (plus de 30 versions depuis 1994), “Cities on the Move” (avec Hou Hanru, 1997), la 1ère Biennale de Berlin (1998), “Mutations” (Bordeaux, 2000), “Utopia Station” à l’occasion de la 50e Biennale de Venise. Il est également commissaire de la Biennale de Dakar en 2004 et de nombreuses expositions monographiques consacrées entre autres à Olafur Eliasson, Philippe Parreno, Jonas Mekas, Pierre Huyghe, Anri Sala ou Doug Aitken. Depuis son arrivée à Londres, il a co-organisé plusieurs expositions, dont “Uncertain States of America” (Serpentine Gallery, 2006) et “China Power Station Part I” (Battersea Power Station, 2006). Parallèlement à ses activités de commissaire, il publie les écrits de Gerhard Richter, Louise Bourgeois, Gilbert & George et est l’éditeur d’une série de livres d’artistes dont John Baldessari, Mattew Barney, Christian Boltanski ou Douglas Gordon… Une première sélection de ses interviews est publiée en 2003 dans “Hans Ulrich Obrist Interview” (Ed. Charta, 2003). En 2006 sort “...dontstopdontstopdontstopdontstop”, recueil de ses textes écrits entre 1990 et 2006.
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jeudi 20 septembre 2007
mercredi 19 septembre 2007
jeudi 13 septembre 2007
Statement Update
0. INTRODUCTION
AUTOPSIE n. f. (1573 ; du gr. Autopsia « action de voir de ses propres yeux ») Fig. (1827). Examen attentif, approfondi. V. Analyse, dissection.
Il était une fois La Défense...
Le travail propose pour objet, le territoire dit de la Défense, le premier quartier d’affaires européen par l’étendue de son marché de bureaux.
Les limites de ce dernier sont assez claires du fait d’une part, de la configuration urbaine [urbanisme sur dalle] mais aussi d’autre part celles fixée depuis 1958 par l’établissement Public pour l’Aménagement de la Région de la Défense, l’éPAD. Depuis sa création, en 1958, il est en charge du développement de ce secteur géographique de la région parisienne qui est une opération d’intérêt national.
La Défense est paradigmatique de la façon de faire de l’urbanisme en France dans les années 50/60.
L’initiative de ce quartier d’affaires vient d’un regroupement d’industriels et d’entrepreneurs voulant constituer un centre d’affaires autour du CNIT qui était déjà une de leur initiative pour une éventuelle exposition universelle. Cette initiative est tout de suite relayée par l’état français, très interventionniste à l’époque, du fait de la reconstruction du pays et aussi par idéologie politique. Pour ce qui est des concepteurs, ils sont tous Grand Prix de Rome, ce qui donne des principes d’urbanisme moderne [tours, séparation des flux et sol artificiel] arrangé en une composition « Beaux-Arts ».
1. LECTURE
« Tout autre est le rhizome, carte et non pas calque. Faire la carte, et pas le calque… Si la carte s’oppose au calque, c’est qu’elle est tout entière tournée vers une expérimentation en prise sur le réel. La carte ne reproduit pas un inconscient fermé sur lui même, elle le construit ».
Mille Plateaux, Gilles Deleuze, Félix Guattari, Minuit, Critique, 1980.
L’objectif de ce TPFE est de questionner la façon de faire un projet d’aménagement urbain ; quelles démarches et stratégies sont mises en place pour l’élaboration de ce genre de projets.
Mon postulat de départ est donc une question partant sur un point de méthodologie :
Comment la description d’une situation, d’un lieu, d’une ville, c’est-à-dire sa lecture, est aussi une forme d’écriture de cette situation, de ce lieu, de cette ville. [cf. La description entre lecture et écriture, André Corboz]
La lecture du site devient une étape de reconnaissance critique qui explore au maximum toutes les potentialités du site. Elle révèle au fur et à mesure les enjeux du site, et nourrit le projet tout au long du processus.
Dans cette opération, lecture et écriture – analyse et projet – ne se suivent pas chronologiquement, mais interfèrent sans cesse.
Ainsi, la démarche allie recherche critique et action constructive.
La lecture du territoire de la Défense a pris pour support deux notions: la carte et le processus.
Une série de cartes établies exposent la prise de conscience du site.
Une série de diagrammes analysent à différents niveaux les processus de développement de la Défense.
Ces différentes approches définissent le « Système de La Défense. »
2. STRATEGIE
PROJET n. m. (1549 ; pourget, XVe ; de projeter). Image d’une situation, d’un état que l’on pense atteindre. V. Dessein, intention, plan, résolution, vue.
La planification de la Défense a débuté par une série de plans masses dessinés par les architectes français Robert Camelot, Jean de Mailly et Bernard Zehrfuss.
Le premier a été approuvé par l’état en 1964. Celui-ci imposait un gabarit unique pour les immeubles de bureaux. Une emprise au sol de 42x24 m et une hauteur maximum de 115 m pour une superficie totale maximum de 27 000 m². à la Défense, il n’y a ni parcelle, ni COS, ni POS. Les investisseurs achètent à l’EPAD des droits à construire ce qui permet de financer les infrastructures et la gestion du site.
En 1972, un nouveau plan est approuvé pour répondre à une forte demande. Il augmente la hauteur maximum portée à 200 m, ainsi que la superficie des bâtiments.
La crise pétrolière de 1973 entraîne une grave crise économique, en 1974, qui stoppe pendant cinq ans toute construction à la Défense.
Cette crise eût pour conséquence la fin de toute planification dirigiste à proprement dite. Dorénavant, chaque nouvelle construction se fera à l’opportunité en fonction du projet du promoteur.
Les incertitudes économiques ne permettent plus de planification. Il n’y aura plus que des plans de Relance. Et c’est encore le cas avec le Plan de Renouveau de 2005 [cf. p.62]. Il est dépourvu de vision permettant un développement à long terme de la Défense menacée d’obsolescence face aux autres quartiers d’affaires en Europe et dans le monde. Il s’agit uniquement de l’édification de projets au coup par coup suivant l’opportunité et la demande.
Cet état de fait pose la problématique suivante : Quelle serait une stratégie urbaine adéquate pour permettre à la Défense de se développer d’une façon ouverte ? Ses limites lui empêchent toute extension, comment peut-elle se développer sur elle-même sans risque de saturation ?
Quels sont les paramètres à prendre en compte pour définir cette stratégie urbaine adéquate ?
De plus, ces questions nous amènent à reconsidérer le rôle d’un architecte/urbaniste dans l’aménagement urbain de ce type de territoire ?
Le 27 novembre 2006, à l’annonce du lauréat du projet de la Tour Phare, Bernard Bled, le directeur général de l’EPAD déclare au journal télévisé de 20 heures de France 2 :
«Nous sommes à Manhattan, donc, en plus petit, mais c’est un peu ça l’idée quand même.»
Et si nous projetions réellement Manhattan sur le périmètre du territoire de l’EPAD…
La déclaration de Bernard Bled sur sa vision de La Défense ainsi que le processus majeur du plan de Renouveau - processus de Démolition-Reconstruction - correspondent parfaitement au synopsis d’un projet élaboré en 1991 pour la Mission grand Axe, le projet de OMA baptisé «La Table Rase Revisitée».
La méthode de travail propose comme point de départ un remake du projet de OMA avec l’objectif d’engendrer un processus narratif.
Cette démarche s’inspire du travail de certains artistes contemporains tels que Pierre Huyghe, Philippe Parreno ou Liam Gillick qui travaillent sur la question du Scénario.
On peut se référer à une oeuvre de Pierre Huyghe, Remake (1995), un remake du film Fenêtre sur cour d’Alfred Hitchcock. C’est une vidéo tournée dans un immeuble parisien, qui reprend plan par plan l’action et les dialogues du film, réinterprétés par de jeunes acteurs français dans le décor d’une ZAC parisienne.
La référence aux démarches de ces artistes contemporains nous apporte un regard critique et dynamique sur les moyens d’utilisation du scénario.
On peut se référer au texte de Liam Gillick, Le futur doit-il aider le passé ? [Dominique Gonzalez-Foerster, Pierre Huyghe, Philippe Parreno; catalogue d’exposition, Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, Editions des musées de la ville de Paris, 1998. ] qui explique très bien comment les artistes se sont saisis du scénario.
Le scénario domine les cultures occidentales en politique, en économie, au cinéma, à la télévision et dans la littérature. C’est une caractéristique essentielle de toutes les sociétés post-modernes. Elle est l’outil que choisissent ceux qui veulent proposer des changements.
La société humaine est structurée par des récits, des scripts immatériels, plus ou moins revendiqués comme tels, qui se traduisent par des manières de vivre, des relations au travail ou aux loisirs, des institutions ou des idéologies. Les décideurs économiques projettent des scénarios sur le marché mondial. Le pouvoir politique élabore des planifications, des discours prévisionnels. Nous vivons à l’intérieur de ces récits.
« Nous sommes prisonniers du scénario du capitalisme tardif », écrit l’artiste anglais Liam Gillick.
«La Table Rase Revisitée» sert de structure narrative au projet : il précise le cadre et le caractère général de l’action.
Cette démarche propose de devenir l’intepréte critique d’un scénario en jouant avec lui puis en construisant des comédies de situation qui viendraient se superposer aux récits imposés. Autrement dit le travail vise à mettre en lumière le scénario de OMA et à en inventer un autre.
La proposition de l’OMA expose la vertu de la grille, la combinaison d’une discipline bi-dimensionnelle et d’un potentiel de liberté dans la troisième dimension.
Ce qui pourrait résoudre la problèmatique de l’extension de la Défense, limitée au sol mais libre dans les airs.
Cette liberté aérienne est aussi un enjeu majeur du devenir de la Défense. La question du profil, du « skyline », comme vecteur d’image est très important dans la concurrence mondiale des centres d’affaires.
Ce projet de remake est porteur de deux thèmes essentiels pour la définition d’une stratégie urbaine. D’abord la question de la mise en place de processus de régénération, déjà esquissé dans le plan de Renouveau, c’est-à-dire l’inscription du développement dans une temporalité. Ce qui inscrit le projet dans la continuité du travail effectué sur les processus antérieurs [cf. diagrammes « Timeline » dans la partie Lecture].
Ensuite la question de la densité ; actuellement la Défense a une densité d’à peine 3 : ce qui est inférieur à celle de Paris intramuros comprise entre 3 et 4 [cf. p.71].
Tout l’enjeu de la densité est comment on la génère. Cela nous renvoie bien sûr aux typologies des bâtiments à définir.
Le corollaire de ces deux paramètres est la question de l’image de ce quartier, sa fonction d’emblème.
L’objectif de ce travail est donc de s’appuyer sur le remake du projet de OMA et d’en esquisser une stratégie urbaine portant sur le quantitatif [la densité], le temporel [les processus] et l’emblématique [l’image].
Une stratégie à la fois locale, permettant à long terme une plus grande mutabilité pour éviter la saturation du site, mais aussi une stratégie métropolitaine pour faire face à la concurrence ou co-production des satellites en développement autour de Paris [La Défense a été le premier de ces satellites].
AUTOPSIE n. f. (1573 ; du gr. Autopsia « action de voir de ses propres yeux ») Fig. (1827). Examen attentif, approfondi. V. Analyse, dissection.
Il était une fois La Défense...
Le travail propose pour objet, le territoire dit de la Défense, le premier quartier d’affaires européen par l’étendue de son marché de bureaux.
Les limites de ce dernier sont assez claires du fait d’une part, de la configuration urbaine [urbanisme sur dalle] mais aussi d’autre part celles fixée depuis 1958 par l’établissement Public pour l’Aménagement de la Région de la Défense, l’éPAD. Depuis sa création, en 1958, il est en charge du développement de ce secteur géographique de la région parisienne qui est une opération d’intérêt national.
La Défense est paradigmatique de la façon de faire de l’urbanisme en France dans les années 50/60.
L’initiative de ce quartier d’affaires vient d’un regroupement d’industriels et d’entrepreneurs voulant constituer un centre d’affaires autour du CNIT qui était déjà une de leur initiative pour une éventuelle exposition universelle. Cette initiative est tout de suite relayée par l’état français, très interventionniste à l’époque, du fait de la reconstruction du pays et aussi par idéologie politique. Pour ce qui est des concepteurs, ils sont tous Grand Prix de Rome, ce qui donne des principes d’urbanisme moderne [tours, séparation des flux et sol artificiel] arrangé en une composition « Beaux-Arts ».
1. LECTURE
« Tout autre est le rhizome, carte et non pas calque. Faire la carte, et pas le calque… Si la carte s’oppose au calque, c’est qu’elle est tout entière tournée vers une expérimentation en prise sur le réel. La carte ne reproduit pas un inconscient fermé sur lui même, elle le construit ».
Mille Plateaux, Gilles Deleuze, Félix Guattari, Minuit, Critique, 1980.
L’objectif de ce TPFE est de questionner la façon de faire un projet d’aménagement urbain ; quelles démarches et stratégies sont mises en place pour l’élaboration de ce genre de projets.
Mon postulat de départ est donc une question partant sur un point de méthodologie :
Comment la description d’une situation, d’un lieu, d’une ville, c’est-à-dire sa lecture, est aussi une forme d’écriture de cette situation, de ce lieu, de cette ville. [cf. La description entre lecture et écriture, André Corboz]
La lecture du site devient une étape de reconnaissance critique qui explore au maximum toutes les potentialités du site. Elle révèle au fur et à mesure les enjeux du site, et nourrit le projet tout au long du processus.
Dans cette opération, lecture et écriture – analyse et projet – ne se suivent pas chronologiquement, mais interfèrent sans cesse.
Ainsi, la démarche allie recherche critique et action constructive.
La lecture du territoire de la Défense a pris pour support deux notions: la carte et le processus.
Une série de cartes établies exposent la prise de conscience du site.
Une série de diagrammes analysent à différents niveaux les processus de développement de la Défense.
Ces différentes approches définissent le « Système de La Défense. »
2. STRATEGIE
PROJET n. m. (1549 ; pourget, XVe ; de projeter). Image d’une situation, d’un état que l’on pense atteindre. V. Dessein, intention, plan, résolution, vue.
La planification de la Défense a débuté par une série de plans masses dessinés par les architectes français Robert Camelot, Jean de Mailly et Bernard Zehrfuss.
Le premier a été approuvé par l’état en 1964. Celui-ci imposait un gabarit unique pour les immeubles de bureaux. Une emprise au sol de 42x24 m et une hauteur maximum de 115 m pour une superficie totale maximum de 27 000 m². à la Défense, il n’y a ni parcelle, ni COS, ni POS. Les investisseurs achètent à l’EPAD des droits à construire ce qui permet de financer les infrastructures et la gestion du site.
En 1972, un nouveau plan est approuvé pour répondre à une forte demande. Il augmente la hauteur maximum portée à 200 m, ainsi que la superficie des bâtiments.
La crise pétrolière de 1973 entraîne une grave crise économique, en 1974, qui stoppe pendant cinq ans toute construction à la Défense.
Cette crise eût pour conséquence la fin de toute planification dirigiste à proprement dite. Dorénavant, chaque nouvelle construction se fera à l’opportunité en fonction du projet du promoteur.
Les incertitudes économiques ne permettent plus de planification. Il n’y aura plus que des plans de Relance. Et c’est encore le cas avec le Plan de Renouveau de 2005 [cf. p.62]. Il est dépourvu de vision permettant un développement à long terme de la Défense menacée d’obsolescence face aux autres quartiers d’affaires en Europe et dans le monde. Il s’agit uniquement de l’édification de projets au coup par coup suivant l’opportunité et la demande.
Cet état de fait pose la problématique suivante : Quelle serait une stratégie urbaine adéquate pour permettre à la Défense de se développer d’une façon ouverte ? Ses limites lui empêchent toute extension, comment peut-elle se développer sur elle-même sans risque de saturation ?
Quels sont les paramètres à prendre en compte pour définir cette stratégie urbaine adéquate ?
De plus, ces questions nous amènent à reconsidérer le rôle d’un architecte/urbaniste dans l’aménagement urbain de ce type de territoire ?
Le 27 novembre 2006, à l’annonce du lauréat du projet de la Tour Phare, Bernard Bled, le directeur général de l’EPAD déclare au journal télévisé de 20 heures de France 2 :
«Nous sommes à Manhattan, donc, en plus petit, mais c’est un peu ça l’idée quand même.»
Et si nous projetions réellement Manhattan sur le périmètre du territoire de l’EPAD…
La déclaration de Bernard Bled sur sa vision de La Défense ainsi que le processus majeur du plan de Renouveau - processus de Démolition-Reconstruction - correspondent parfaitement au synopsis d’un projet élaboré en 1991 pour la Mission grand Axe, le projet de OMA baptisé «La Table Rase Revisitée».
La méthode de travail propose comme point de départ un remake du projet de OMA avec l’objectif d’engendrer un processus narratif.
Cette démarche s’inspire du travail de certains artistes contemporains tels que Pierre Huyghe, Philippe Parreno ou Liam Gillick qui travaillent sur la question du Scénario.
On peut se référer à une oeuvre de Pierre Huyghe, Remake (1995), un remake du film Fenêtre sur cour d’Alfred Hitchcock. C’est une vidéo tournée dans un immeuble parisien, qui reprend plan par plan l’action et les dialogues du film, réinterprétés par de jeunes acteurs français dans le décor d’une ZAC parisienne.
La référence aux démarches de ces artistes contemporains nous apporte un regard critique et dynamique sur les moyens d’utilisation du scénario.
On peut se référer au texte de Liam Gillick, Le futur doit-il aider le passé ? [Dominique Gonzalez-Foerster, Pierre Huyghe, Philippe Parreno; catalogue d’exposition, Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, Editions des musées de la ville de Paris, 1998. ] qui explique très bien comment les artistes se sont saisis du scénario.
Le scénario domine les cultures occidentales en politique, en économie, au cinéma, à la télévision et dans la littérature. C’est une caractéristique essentielle de toutes les sociétés post-modernes. Elle est l’outil que choisissent ceux qui veulent proposer des changements.
La société humaine est structurée par des récits, des scripts immatériels, plus ou moins revendiqués comme tels, qui se traduisent par des manières de vivre, des relations au travail ou aux loisirs, des institutions ou des idéologies. Les décideurs économiques projettent des scénarios sur le marché mondial. Le pouvoir politique élabore des planifications, des discours prévisionnels. Nous vivons à l’intérieur de ces récits.
« Nous sommes prisonniers du scénario du capitalisme tardif », écrit l’artiste anglais Liam Gillick.
«La Table Rase Revisitée» sert de structure narrative au projet : il précise le cadre et le caractère général de l’action.
Cette démarche propose de devenir l’intepréte critique d’un scénario en jouant avec lui puis en construisant des comédies de situation qui viendraient se superposer aux récits imposés. Autrement dit le travail vise à mettre en lumière le scénario de OMA et à en inventer un autre.
La proposition de l’OMA expose la vertu de la grille, la combinaison d’une discipline bi-dimensionnelle et d’un potentiel de liberté dans la troisième dimension.
Ce qui pourrait résoudre la problèmatique de l’extension de la Défense, limitée au sol mais libre dans les airs.
Cette liberté aérienne est aussi un enjeu majeur du devenir de la Défense. La question du profil, du « skyline », comme vecteur d’image est très important dans la concurrence mondiale des centres d’affaires.
Ce projet de remake est porteur de deux thèmes essentiels pour la définition d’une stratégie urbaine. D’abord la question de la mise en place de processus de régénération, déjà esquissé dans le plan de Renouveau, c’est-à-dire l’inscription du développement dans une temporalité. Ce qui inscrit le projet dans la continuité du travail effectué sur les processus antérieurs [cf. diagrammes « Timeline » dans la partie Lecture].
Ensuite la question de la densité ; actuellement la Défense a une densité d’à peine 3 : ce qui est inférieur à celle de Paris intramuros comprise entre 3 et 4 [cf. p.71].
Tout l’enjeu de la densité est comment on la génère. Cela nous renvoie bien sûr aux typologies des bâtiments à définir.
Le corollaire de ces deux paramètres est la question de l’image de ce quartier, sa fonction d’emblème.
L’objectif de ce travail est donc de s’appuyer sur le remake du projet de OMA et d’en esquisser une stratégie urbaine portant sur le quantitatif [la densité], le temporel [les processus] et l’emblématique [l’image].
Une stratégie à la fois locale, permettant à long terme une plus grande mutabilité pour éviter la saturation du site, mais aussi une stratégie métropolitaine pour faire face à la concurrence ou co-production des satellites en développement autour de Paris [La Défense a été le premier de ces satellites].
mercredi 12 septembre 2007
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