jeudi 13 septembre 2007

Statement Update


0. INTRODUCTION


AUTOPSIE n. f. (1573 ; du gr. Autopsia « action de voir de ses propres yeux ») Fig. (1827). Examen attentif, approfondi. V. Analyse, dissection.


Il était une fois La Défense...

Le travail propose pour objet, le territoire dit de la Défense, le premier quartier d’affaires européen par l’étendue de son marché de bureaux.
Les limites de ce dernier sont assez claires du fait d’une part, de la configuration urbaine [urbanisme sur dalle] mais aussi d’autre part celles fixée depuis 1958 par l’établissement Public pour l’Aménagement de la Région de la Défense, l’éPAD. Depuis sa création, en 1958, il est en charge du développement de ce secteur géographique de la région parisienne qui est une opération d’intérêt national.

La Défense est paradigmatique de la façon de faire de l’urbanisme en France dans les années 50/60.
L’initiative de ce quartier d’affaires vient d’un regroupement d’industriels et d’entrepreneurs voulant constituer un centre d’affaires autour du CNIT qui était déjà une de leur initiative pour une éventuelle exposition universelle. Cette initiative est tout de suite relayée par l’état français, très interventionniste à l’époque, du fait de la reconstruction du pays et aussi par idéologie politique. Pour ce qui est des concepteurs, ils sont tous Grand Prix de Rome, ce qui donne des principes d’urbanisme moderne [tours, séparation des flux et sol artificiel] arrangé en une composition « Beaux-Arts ».



1. LECTURE


« Tout autre est le rhizome, carte et non pas calque. Faire la carte, et pas le calque… Si la carte s’oppose au calque, c’est qu’elle est tout entière tournée vers une expérimentation en prise sur le réel. La carte ne reproduit pas un inconscient fermé sur lui même, elle le construit ».
Mille Plateaux, Gilles Deleuze, Félix Guattari, Minuit, Critique, 1980.


L’objectif de ce TPFE est de questionner la façon de faire un projet d’aménagement urbain ; quelles démarches et stratégies sont mises en place pour l’élaboration de ce genre de projets.
Mon postulat de départ est donc une question partant sur un point de méthodologie :
Comment la description d’une situation, d’un lieu, d’une ville, c’est-à-dire sa lecture, est aussi une forme d’écriture de cette situation, de ce lieu, de cette ville. [cf. La description entre lecture et écriture, André Corboz]
La lecture du site devient une étape de reconnaissance critique qui explore au maximum toutes les potentialités du site. Elle révèle au fur et à mesure les enjeux du site, et nourrit le projet tout au long du processus.
Dans cette opération, lecture et écriture – analyse et projet – ne se suivent pas chronologiquement, mais interfèrent sans cesse.
Ainsi, la démarche allie recherche critique et action constructive.


La lecture du territoire de la Défense a pris pour support deux notions: la carte et le processus.
Une série de cartes établies exposent la prise de conscience du site.
Une série de diagrammes analysent à différents niveaux les processus de développement de la Défense.
Ces différentes approches définissent le « Système de La Défense. »



2. STRATEGIE


PROJET n. m. (1549 ; pourget, XVe ; de projeter). Image d’une situation, d’un état que l’on pense atteindre. V. Dessein, intention, plan, résolution, vue.


La planification de la Défense a débuté par une série de plans masses dessinés par les architectes français Robert Camelot, Jean de Mailly et Bernard Zehrfuss.
Le premier a été approuvé par l’état en 1964. Celui-ci imposait un gabarit unique pour les immeubles de bureaux. Une emprise au sol de 42x24 m et une hauteur maximum de 115 m pour une superficie totale maximum de 27 000 m². à la Défense, il n’y a ni parcelle, ni COS, ni POS. Les investisseurs achètent à l’EPAD des droits à construire ce qui permet de financer les infrastructures et la gestion du site.

En 1972, un nouveau plan est approuvé pour répondre à une forte demande. Il augmente la hauteur maximum portée à 200 m, ainsi que la superficie des bâtiments.
La crise pétrolière de 1973 entraîne une grave crise économique, en 1974, qui stoppe pendant cinq ans toute construction à la Défense.
Cette crise eût pour conséquence la fin de toute planification dirigiste à proprement dite. Dorénavant, chaque nouvelle construction se fera à l’opportunité en fonction du projet du promoteur.

Les incertitudes économiques ne permettent plus de planification. Il n’y aura plus que des plans de Relance. Et c’est encore le cas avec le Plan de Renouveau de 2005 [cf. p.62]. Il est dépourvu de vision permettant un développement à long terme de la Défense menacée d’obsolescence face aux autres quartiers d’affaires en Europe et dans le monde. Il s’agit uniquement de l’édification de projets au coup par coup suivant l’opportunité et la demande.

Cet état de fait pose la problématique suivante : Quelle serait une stratégie urbaine adéquate pour permettre à la Défense de se développer d’une façon ouverte ? Ses limites lui empêchent toute extension, comment peut-elle se développer sur elle-même sans risque de saturation ?
Quels sont les paramètres à prendre en compte pour définir cette stratégie urbaine adéquate ?
De plus, ces questions nous amènent à reconsidérer le rôle d’un architecte/urbaniste dans l’aménagement urbain de ce type de territoire ?


Le 27 novembre 2006, à l’annonce du lauréat du projet de la Tour Phare, Bernard Bled, le directeur général de l’EPAD déclare au journal télévisé de 20 heures de France 2 :
«Nous sommes à Manhattan, donc, en plus petit, mais c’est un peu ça l’idée quand même.»

Et si nous projetions réellement Manhattan sur le périmètre du territoire de l’EPAD…

La déclaration de Bernard Bled sur sa vision de La Défense ainsi que le processus majeur du plan de Renouveau - processus de Démolition-Reconstruction - correspondent parfaitement au synopsis d’un projet élaboré en 1991 pour la Mission grand Axe, le projet de OMA baptisé «La Table Rase Revisitée».

La méthode de travail propose comme point de départ un remake du projet de OMA avec l’objectif d’engendrer un processus narratif.

Cette démarche s’inspire du travail de certains artistes contemporains tels que Pierre Huyghe, Philippe Parreno ou Liam Gillick qui travaillent sur la question du Scénario.
On peut se référer à une oeuvre de Pierre Huyghe, Remake (1995), un remake du film Fenêtre sur cour d’Alfred Hitchcock. C’est une vidéo tournée dans un immeuble parisien, qui reprend plan par plan l’action et les dialogues du film, réinterprétés par de jeunes acteurs français dans le décor d’une ZAC parisienne.

La référence aux démarches de ces artistes contemporains nous apporte un regard critique et dynamique sur les moyens d’utilisation du scénario.
On peut se référer au texte de Liam Gillick, Le futur doit-il aider le passé ? [Dominique Gonzalez-Foerster, Pierre Huyghe, Philippe Parreno; catalogue d’exposition, Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, Editions des musées de la ville de Paris, 1998. ] qui explique très bien comment les artistes se sont saisis du scénario.

Le scénario domine les cultures occidentales en politique, en économie, au cinéma, à la télévision et dans la littérature. C’est une caractéristique essentielle de toutes les sociétés post-modernes. Elle est l’outil que choisissent ceux qui veulent proposer des changements.

La société humaine est structurée par des récits, des scripts immatériels, plus ou moins revendiqués comme tels, qui se traduisent par des manières de vivre, des relations au travail ou aux loisirs, des institutions ou des idéologies. Les décideurs économiques projettent des scénarios sur le marché mondial. Le pouvoir politique élabore des planifications, des discours prévisionnels. Nous vivons à l’intérieur de ces récits.

« Nous sommes prisonniers du scénario du capitalisme tardif », écrit l’artiste anglais Liam Gillick.


«La Table Rase Revisitée» sert de structure narrative au projet : il précise le cadre et le caractère général de l’action.
Cette démarche propose de devenir l’intepréte critique d’un scénario en jouant avec lui puis en construisant des comédies de situation qui viendraient se superposer aux récits imposés. Autrement dit le travail vise à mettre en lumière le scénario de OMA et à en inventer un autre.

La proposition de l’OMA expose la vertu de la grille, la combinaison d’une discipline bi-dimensionnelle et d’un potentiel de liberté dans la troisième dimension.
Ce qui pourrait résoudre la problèmatique de l’extension de la Défense, limitée au sol mais libre dans les airs.
Cette liberté aérienne est aussi un enjeu majeur du devenir de la Défense. La question du profil, du « skyline », comme vecteur d’image est très important dans la concurrence mondiale des centres d’affaires.

Ce projet de remake est porteur de deux thèmes essentiels pour la définition d’une stratégie urbaine. D’abord la question de la mise en place de processus de régénération, déjà esquissé dans le plan de Renouveau, c’est-à-dire l’inscription du développement dans une temporalité. Ce qui inscrit le projet dans la continuité du travail effectué sur les processus antérieurs [cf. diagrammes « Timeline » dans la partie Lecture].
Ensuite la question de la densité ; actuellement la Défense a une densité d’à peine 3 : ce qui est inférieur à celle de Paris intramuros comprise entre 3 et 4 [cf. p.71].
Tout l’enjeu de la densité est comment on la génère. Cela nous renvoie bien sûr aux typologies des bâtiments à définir.
Le corollaire de ces deux paramètres est la question de l’image de ce quartier, sa fonction d’emblème.

L’objectif de ce travail est donc de s’appuyer sur le remake du projet de OMA et d’en esquisser une stratégie urbaine portant sur le quantitatif [la densité], le temporel [les processus] et l’emblématique [l’image].

Une stratégie à la fois locale, permettant à long terme une plus grande mutabilité pour éviter la saturation du site, mais aussi une stratégie métropolitaine pour faire face à la concurrence ou co-production des satellites en développement autour de Paris [La Défense a été le premier de ces satellites].